Depuis la permaculture, jusqu’à la civilisation 3/3

12 juin 2016

Voici la troisième et dernière partie de cet article destiné à clôturer ce blog :

Les bœufs avant la charrue, le marché avant l’État :

La permaculture, et plus généralement le jardinage, m’ont fait comprendre une autre règle de bon sens, sans doute encore bien plus simple et évidente, bien que trop souvent oubliée : « sans semis, pas de récolte ». Autrement dit, sans travail pas de revenus : on ne peut pas obtenir de récolte sans avoir semé, entretenu, nourri. On ne peut même pas se nourrir sans avoir récolté, voire transformé et cuisiné. Bref, tout bénéfice requiert un investissement préalable, tout revenu requiert un travail préalable. Donc, non seulement le jardinage m’a appris à « me sortir les doigts », mais également et surtout, il m’a fait prendre conscience que si je reçois un revenu avant d’avoir travaillé pour l’obtenir, cela veut dire qu’il s’agit du revenu de quelqu’un d’autre, lequel revenu lui a été retiré avant de m’être distribué. Que ce revenu, s’il n’a pas été obtenu par consentement, est donc un privilège, lequel privilège provient d’un vol, d’une extorsion.

Ainsi, par ce simple « bon sens paysan », j’ai cessé de croire aux promesses d’une solution collective qui ne passe pas au départ par des solutions individuelles ; j’ai cessé de croire aux vertus de la redistribution, à celles de la dépense publique, à celles de la solidarité universelle, fonction publique, impôts, sécurité sociale et autres « Revenus De Base ». En effet, pour avoir du temps libre, pour prendre des vacances, faire du bénévolat et d’autres choses qui ne sont pas rentables et qui ne rapportent rien d’autre que du plaisir, il faut d’abord pouvoir disposer d’un revenu, d’un prêt ou d’une épargne, donc il faut tout d’abord avoir travaillé (ou bien s’être engagé à le faire dans le cas d’un prêt). Il faut bosser avant de dépenser, et non l’inverse, autrement c’est « mettre la charrue avant les bœufs ». Ainsi, distribuer des revenus ou des droits sans contrepartie, revient à distribuer le travail des uns, à d’autres qui n’ont alors pas à travailler.

Pour dégager du temps libre, et donc pour obtenir la possibilité de faire des choses qui ne soient pas rentables, il faut donc d’abord produire de manière rentable et efficiente. Or, pour produire de manière rentable et efficiente, il faut en avoir la nécessité ; il ne s’agit pas de mourir de faim bien entendu, il s’agit d’avoir l’obligation d’obtenir un bénéfice sur son investissement – ce que ne réclame pas le bénévolat a priori, ni même le fonctionnariat, encore moins les loisirs et la flânerie. Pour avoir les moyens de vivre, il faut d’abord produire du rentable ; si on ne produit que du non-rentable, on ne peut tout simplement pas vivre. Car rien n’est jamais gratuit.

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Cela veut dire que distribuer des revenus ou des droits, ne peut se faire qu’en taxant un travail déjà rentable ; or cette distribution entraînant l’apparition d’activités non-rentables, on obtient alors de plus en plus d’activités non-rentables, et de moins en moins d’activités rentables. S’ensuit un cercle vicieux où l’on est obligé de taxer de plus en plus un travail rentable qui s’étiole de plus en plus, avec de moins en moins de gens productifs et des travailleurs de moins en moins nombreux sur lesquels le système collectif pèse de plus en plus lourd ; et ainsi de suite jusqu’à la crise et la faillite du système collectif. Or c’est malheureusement exactement ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays, où l’on assiste à la montée en puissance du chômage et de la dette publique en même temps que grimpent en flèche les prélèvements sociaux et fiscaux.

Et lorsque j’étais dans une démarche d’auto-suffisance, j’étais en réalité dépendant des aides sociales, car une autonomie individuelle est impossible à atteindre (elle ne l’était déjà pas lorsque nous étions chasseurs-cueilleurs, où nous avions déjà besoin de vivre en bande, en société d’individus spécialisés). Le seul moyen d’être véritablement auto-suffisant, sans dépendre de personne, c’est d’accepter de s’intégrer au marché, et de rejeter les fantasmes de partage et de redistribution égalitaire qui nous laissent croire que nous pourrions vivre sans travailler, et sans que d’autres ne travaillent à notre place. Le seul moyen d’être véritablement auto-suffisant, c’est de produire au moins autant que l’on consomme, et d’échanger librement notre production avec celle des autres, en nous entendant mutuellement sur les valeurs respectives de nos productions, c’est-à-dire en effectuant des transactions volontaires.

La solution ne se trouve donc pas dans la redistribution, elle se trouve dans la libre contractualisation, dans le libre échange, dans la coopération volontaire des individus entre eux, dans la libre transaction. Le marché est non seulement un organe de liberté de transaction, mais il est surtout le seul moyen de ne plus être dépendant de la société, de l’État et des décisions politiques. Il est le seul moyen d’affranchissement économique individuel. Le marché, c’est la liberté. La redistribution c’est l’esclavage, c’est l’impôt, c’est l’État, c’est le vol.

 

Nouvelles perspectives :

Aujourd’hui je suis artisan du bâtiment, je travaille à mon compte et je gagne ma vie. Mais je reste tout de même, au plus profond de moi, un intellectuel avant tout (d’ailleurs je connais peu d’artisans du bâtiment qui refont des façades en écoutant France Culture sur leur échafaudage) ; simplement par cette recherche d’auto-suffisance j’ai mis en pratique mes idées, et expérimenté la théorie. Et je me suis heurté à la réalité, laquelle réalité, après m’avoir parue implacable, s’est finalement avérée harmonieuse. De même que l’écosystème peut être implacable lorsqu’on le regarde sous un angle particulier, il apparaît en revanche harmonieux lorsqu’on le regarde de manière globale. Lorsqu’on le regarde ainsi, on s’aperçoit que la nature n’est pas faite que de sélection, elle est également faite de diversité, d’innovation, d’adaptation, de coopération, d’interactions, de complexité, etc. Autant de choses qui rendent cette nature belle, et passionnante à regarder et à étudier.

Ainsi, par la découverte de cette passionnante et complexe harmonie, par la découverte de l’évolutionnisme, de l’individualisme méthodologique et de l’école autrichienne d’économie, et afin de pouvoir valoriser toutes ces réflexions et ces expérimentations que j’ai eues ces dernières années, j’ai décidé de reprendre les études. En septembre dernier j’ai donc fait une validation d’acquis et me suis inscrit en master de géographie, et souhaite m’orienter ensuite vers une thèse. Je pourrai ainsi, à l’instar de Jared Diamond, étudier l’organisation des humains sur la planète comme on étudierait celle de nimporte quelle espèce animale ; je pourrai analyser les relations entre État et marché, entre organisations libres et organisations autoritaires, comme on étudierait n’importe quelle relation entre groupes d’individus ; je pourrai observer le rapport qu’entretiennent les humains avec leur milieu comme on étudie n’importe quel écosystème ; et observer comment les choix diversifiés des individus créent la complexité de l’économie et son équilibre dynamique.

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Voici donc pourquoi ce blog n’a pour moi plus aucune utilité : parce que après ces sept années passées à expérimenter et à intégrer les fondamentaux, me voici enfin prêt à devenir un véritable chercheur, c’est-à-dire un observateur neutre et un analyste objectif. La « graine de flibuste » a germé et a produit suffisamment de racines pour que l’arbre puisse désormais s’épanouir ; et le flibustier est devenu argonaute. Et probablement qu’un nouveau blog fera son apparition, un blog consacré à mes recherches en tant que géographe ; bien entendu, je vous en tiendrai informés.

Je souhaite donc bon vent à tous les permaculteurs et à tous les survivalistes ; bonnes expérimentations, bonnes réflexions et bonnes mises en pratique ; bonnes remises en question, et bonnes redécouvertes des fondamentaux. Quant à moi, après ce « retour à la terre », me voici de retour à la civilisation !

Depuis la permaculture, jusqu’à la civilisation (2/3)

5 juin 2016

Voici la deuxième partie de mon article destiné à clôturer ce blog.

L’efficience de la technique, le capitalisme décroissant :

Avec mon potager et mes tentatives d’auto-suffisance, je cherchai constamment, comme je l’avais proposé dès la création de mon blog, à « faire en sorte que le travail puisse à la fois être efficace, flexible, rentable et soutenable, tant écologiquement que socialement, familialement, et individuellement. Pouvoir travailler à la fois au mieux, et le moins possible, pour pouvoir disposer d’un maximum de temps libre ». Pour cela il me fallut bien entendu rationaliser mon travail. Et à force de rationaliser mon travail, à force de le rendre efficace et économe, c’est-à-dire à force de vouloir le rendre « efficient », j’ai fini par comprendre que le meilleur moyen pour cela était la mécanisation, c’est-à-dire l’outillage, la technique et la technologie.

J’ai fini par comprendre que ceux-ci n’étaient jamais néfastes, car ils permettent toujours de gagner en efficience, et donc de pouvoir utiliser à la fois moins de ressources et moins de main-d’œuvre pour un même résultat, grâce aux « gains de productivité ». J’ai donc compris que ces gains de productivité sont toujours bénéfiques, et qu’ils ne sont pas à l’origine de cette hiérarchisation sociale croissante des populations à laquelle nous assistons depuis le néolithique. En réalité je me demande même, aujourd’hui, si cette hiérarchisation sociale est véritablement croissante ou non, proportionnellement à la densité de population et à la promiscuité entre les individus ; mais ce n’est pas l’objet du jour.

En tous cas, si ces gains de productivité permettent d’utiliser moins de ressources pour un même résultat, alors c’est qu’ils ne posent pas de problème écologiques a priori, et qu’ils sont même une solution à la « finitude des ressources ». C’est que les primitivistes, et autres « luddites », ces écologistes qui mettent en cause la technique et la technologie en pensant qu’elle nuit à l’environnement (et par là à l’humanité), commettent une erreur logique de raisonnement. Oui, une croissance infinie dans un monde fini est tout à fait possible, car avec les gains de productivité nous utilisons constamment de moins en moins de ressources et de moins en moins de travail, pour en obtenir constamment un bénéfice de plus en plus grand, un confort de plus en plus important, et une qualité de vie toujours meilleure : c’est le principe de la « prospérité » économique (contrairement à celui de la « croissance » du PIB).

La technique et la technologie, les gains de productivité et la prospérité économique, sont au final les meilleurs gages de la décroissance, ceux qui permettent de fournir le moins d’efforts possibles, et d’utiliser le moins de ressources possibles, pour en obtenir le meilleur bénéfice. La solution à la prospérité n’est donc ni dans le « travailler plus pour gagner plus », c’est-à-dire dans l’augmentation systématique du chiffre d’affaires, ni dans la « sobriété heureuse », celle de la piété et du renoncement aux plaisirs et aux conforts de la consommation, mais dans un savant équilibre entre un travail efficient et une consommation saine. La solution ne se trouve ni dans l’augmentation systématique ni dans la diminution systématique du chiffre d’affaires, mais dans la recherche du meilleur équilibre entre le chiffre d’affaires et les charges, pour en obtenir le meilleur bénéfice, le meilleur revenu du point de vue du rapport travail/revenu, ou investissement/bénéfice.

La solution ne se trouve donc, ni dans le « productivisme » que prône la droite, ni dans la « culpabilisation du gain » que prône la gauche, elle se trouve dans la rationalité de l’équilibre entre investissement et bénéfice, dans la rationalité immuable, universelle et totalement a-politique, du capitalisme : la meilleure solution pour la décroissance, c’est le capitalisme.

"La nature n'est ni morale ni immorale, elle est amorale"  Thomas Henry Huxley

« La nature n’est ni morale ni immorale, elle est amorale »
Thomas Henry Huxley

La permaculture, libéralisme agraire.

En pratiquant le jardinage, et à plus forte raison la permaculture, j’ai redécouvert des simples règles de bon sens ; j’y ai tout d’abord redécouvert les règles bénéfiques du libre-échange, du laissez-faire et de la non-intervention . La permaculture m’a en effet appris à faire confiance aux interactions entre les différentes composantes individuelles d’un écosystème, comme entre les différents individus d’une société. Elle m’a appris à associer dans l’espace les différentes composantes du sol, et à les faire cohabiter en les faisant profiter mutuellement les unes des autres (« les déchets des uns sont la ressource des autres »). Elle m’a appris à valoriser la succession dans le temps des différentes composantes du jardin, et à lui faire profiter ainsi d’une « destruction créatrice », schumpétérienne, favorable à l’équilibre à long terme du sol. Elle m’a appris à gérer et à canaliser les spontanéités du sol et de l’écosystème, plutôt qu’à les contraindre et les prohiber. Et enfin et surtout, elle m’a appris à accepter la concurrence comme quelque chose de bénéfique et de nécessaire, en me permettant de saisir la différence entre concurrence et compétition ; la concurrence entraînant la différenciation, la spécialisation, l’efficacité et l’efficience, bien plus que la sélection.

Les principes de la permaculture, ceux de l’écosystème, ne sont en fait rien de plus que les principes économiques et politiques du libéralisme et du laissez-faire, mais simplement appliqués à un domaine spécifique, celui de l’agronomie. Et s’ils sont les mêmes, qu’ils y sont applicables de la même manière, malgré qu’ils y aient été découverts séparément, c’est tout simplement parce que ce sont des principes naturels, fonctionnant de manière universelle dans l’écosystème ; l’économie humaine, la société humaine, faisant partie intégrante de l’écosystème, il est logique que ces principes s’y accordent de la même manière. Après les avoir appliqués à mon jardin, j’ai donc ensuite pu les appliquer à ma vie toute entière, ainsi qu’à ma compréhension de l’ensemble de la société humaine comme de celui de l’écosystème.

"Les gens qui combattent pour la libre entreprise et la libre concurrence ne défendent pas les intérêts de ceux qui sont riches aujourd’hui. Ils réclament les mains libres pour les inconnus qui seront les entrepreneurs de demain et dont l’esprit inventif rendra la vie des générations à venir plus agréable. " Ludwig Von Mises

« Les gens qui combattent pour la libre entreprise et la libre concurrence ne défendent pas les intérêts de ceux qui sont riches aujourd’hui. Ils réclament les mains libres pour les inconnus qui seront les entrepreneurs de demain et dont l’esprit inventif rendra la vie des générations à venir plus agréable. « 
Ludwig Von Mises

Depuis la permaculture, jusqu’à la civilisation (1/3)

28 Mai 2016

Après bientôt 7 années d’existence de ce blog, j’ai décidé d’y mettre un point final. De l’eau a coulé sous les ponts, j’ai plusieurs fois changé de vie depuis, et réorienté mes priorités et mes finalités. Je ne vais pas forcément supprimer ce blog, mais je vais le clôturer et arrêter de l’alimenter, après avoir fait le tri pour n’y garder que les articles les plus pertinents, ceux qui peuvent servir universellement à tous les permaculteurs et autres survivalistes en herbe.

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En effet ce blog n’a pour moi plus aucune utilité. Tout d’abord parce que j’ai choisi depuis deux ans de ne plus cultiver de potager et de retourner vivre « en ville » ; et ensuite et surtout parce que j’ai compris, grâce à ce passage par la recherche d’auto-suffisance et les réflexions que celle-ci m’a apporté, grâce à ce « rite de passage » et ce retour aux fondamentaux, les intérêts de la technique et de la technologie, donc les avantages de la civilisation. J’ai compris les intérêts de la division du travail, et du marché ainsi que du capitalisme ; et enfin j’ai compris les intérêts du libre-échange et du laissez-faire, ceux de la prospérité économique.

En effet, non seulement j’ai pratiqué la permaculture, mais du fait de l’échec de ma première expérience d’entreprise, j’ai également poussé la réflexion sur l’économie et la société, jusqu’à me tourner au départ vers le « primitivisme », remettant ainsi en question l’intérêt même de la civilisation. Sauf que cette réflexion, au lieu de me radicaliser, a constitué au contraire une sorte de « cogito » personnel, un retour aux fondements et aux bases de l’économie, de la vie en société et de la technologie ; et une fois atteints ces fondements, une fois redécouvertes les bases fondamentales de l’économie et de la société, j’ai alors pu les apprécier et me les approprier, et repartir du bon pied. Cette réflexion m’a fait « reculer pour mieux sauter ». Aujourd’hui, j’apprécie cette civilisation dont je me suis tant méfié ; et je vante même les mérites de cette société que j’ai tant détesté.

Voici donc aujourd’hui la première tranche de cet article en trois parties, qui va sans doute faire couler de l’encre, parce qu’il risque d’en choquer plus d’un, surtout parmi ceux qui ne me connaissent pas encore, ou qui ne me suivent pas sur Facebook ou sur mon autre blog. Peu importe, ces idées sont désormais les miennes, et elles sont ce que j’ai compris et acquis par cette expérience ; elles sont à prendre comme telles, ou à laisser. Elles ne sont que ma propre vision des choses, qui plus est ma vision actuelle des choses. Que celui qui s’en offusque le fasse s’il le souhaite, mais surtout, que celui que cela questionne n’hésite surtout pas à le faire : si mes idées peuvent servir à d’autres, tant mieux ! Dans tous les cas, bonne lecture à tous !

 

De l’auto-suffisance à « l’auto-assurance » :

Après bientôt 7 années d’existence de ce blog, bien des choses ont changé. Tout d’abord j’ai déménagé et changé de département, et surtout j’ai quitté la campagne pour une petite ville, qui devient de plus en plus « péri-urbaine ». Du coup, depuis bientôt deux ans, je n’ai plus de jardin. J’ai d’abord cru que cela me manquerait, mais en fait je me suis rapidement rendu compte que la vie rurale ne me convenait finalement pas, pas plus que le jardinage. Les campagnes se vident en même temps que les villes s’étalent, et la vie rurale est finalement assez fade, dans le meilleur des cas elle est en pointillés. Quant au jardinage, être constamment dans la préparation de la saison suivante me pèse, à long terme.

Aussi, je ne pense plus aujourd’hui que l’avenir puisse se trouver pour moi dans une vie d’autonomie, et de solitude voire d’ermitage ; ni même dans une vie en communauté restreinte, isolée et autarcique. Aujourd’hui je pense qu’elle se trouve en ville, ou bien non loin de celle-ci, au milieu de l’activité économique et culturelle, là où il y a des échanges et du mouvement, de la circulation et de la communication, de l’innovation et des transactions. Je ne regrette bien évidemment pas ce passage par un « retour à la terre », au contraire cela a été très formateur, mais justement, ma formation autodidacte est terminée, et je peux aujourd’hui retourner à la « civilisation » en connaissance de cause, en en comprenant et en en appréciant les rouages.

En effet, si je me suis lancé dans le jardinage avec autant d’énergie, c’est avant tout parce que j’avais d’une certaine manière été traumatisé par l’échec de ma première expérience d’entreprise, laquelle me tenait très à cœur. Pire, m’étant retrouvé endetté et incapable de subvenir à l’alimentation de mes enfants en bas-âge, je m’étais juré de toujours garder un potager productif, suffisant pour assurer un minimum d’assurance de pouvoir nourrir ma famille, y compris en cas de coup dur. Et après 5 ans de jardinage, et l’acquisition des techniques de permaculture, j’ai fini par obtenir cette assurance, ce savoir-faire et cette capacité productive. Tant et si bien que cette seule assurance, cette seule certitude de savoir le faire et donc, d’être capable de le refaire si nécessaire, s’est retrouvée suffisante : dès lors pas besoin de cultiver un jardin en permanence, d’y consacrer du temps et de l’énergie, j’avais retrouvé confiance en moi et en l’avenir, le simple fait de m’en savoir capable me suffisait. Et je cessai alors de rejeter la faute de mon propre échec sur celui de la société toute entière, pour enfin accepter mes propres erreurs et m’autoriser à repartir sur le bon pied. Cette expérience de jardinage avait eu pour moi l’effet d’un rite de passage : en apprenant la survie autonome, j’avais acquis une nouvelle confiance en moi, et étais enfin devenu adulte.

 

La division survivaliste du travail :

Par cette recherche d’autonomie et d’autarcie, par cette expérience d’auto-suffisance et quasiment de survivalisme, j’ai compris l’intérêt de la division du travail, et donc par là de l’économie de marché. En effet, en voulant tout faire moi-même je me suis rapidement aperçu que le travail nécessaire est bien trop important, que l’autonomie montre très vite ses limites. Très vite on se rend compte que la quantité de choses à produire est trop importante, que le travail nécessaire et la quantité de savoirs à accumuler, sont trop importants pour une personne seule (de plus on n’obtient jamais une autonomie complète, donc on reste toujours dépendant d’un minimum d’aides sociales, donc de l’État et de la société, mais j’y reviendrai un peu plus loin). De même, la quantité et la diversité d’outillages à acquérir, pour peu qu’on accepte de ne pas tout faire à la main, est bien trop importante et bien trop coûteuse.

Très vite, on se rend donc compte qu’il vaut bien mieux se spécialiser dans une production particulière, et échanger avec d’autres ; ainsi on est davantage efficace dans sa production, on acquiert de la maîtrise, du savoir-faire, voire du talent dans ce qu’on fait, donc on produit mieux, plus rapidement et avec moins de pertes, donc « moins cher ». Très vite on se rend compte qu’il vaut mieux investir dans de l’outillage spécialisé et dédié à une production particulière, ainsi on est plus efficace dans sa production et l’investissement est moins dispersé ; avec un outillage adapté permettant de produire à plus grande échelle, on réalise des « économies d’échelle », donc on produit « moins cher », et on le rentabilise bien plus facilement.

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Au final tout le monde y gagne : moi d’abord, parce que au lieu de produire beaucoup de choses mais toutes de manière médiocre (puisque je n’ai pas suffisamment de temps et d’énergie à consacrer à toutes), je produis un seul type de bien ou service mais de grande qualité (puisque je m’y consacre davantage, j’y investis davantage de temps, d’énergie et de réflexion, tout en disposant d’un meilleur outillage), que je peux alors échanger à un meilleur prix, donc en échange d’autres biens ou services eux aussi de meilleure qualité ; j’améliore donc ma situation. Et ceux avec qui j’échange y gagnent également, parce que eux aussi peuvent alors échanger avec moi et obtenir des produits de meilleure qualité, et à un moindre coût que s’ils avaient dû le produire eux-mêmes, ce qui diminue donc finalement leur propre coût d’opportunité (le coût qu’ils auraient dû fournir à ma place pour obtenir le même bien, de qualité équivalente).

J’ai ainsi redécouvert ce qu’était un coût d’opportunité, tel qu’énoncé par Adam Smith. Ainsi que le principe énoncé par Condillac, selon lequel toute transaction crée toujours deux richesses, l’une pour le vendeur l’autre pour l’acheteur, puisque l’un s’est séparé de son bien à un prix qu’il juge supérieur à l’utilité qu’il pense avoir de ce bien, en même temps que l’autre l’a acquis pour un prix qu’il juge inférieur à l’utilité qu’il pense avoir de ce bien. Je redécouvris donc ainsi la théorie subjective de la valeur, et abandonnai celle, simpliste, de la valeur-travail.

Dès lors, en bon survivaliste, je compris que si je voulais être certain de survivre, et à plus forte raison si je souhaitais obtenir en outre un certain confort, il me fallait, non pas m’enterrer tout seul dans un trou perdu et tout produire par moi-même, mais plutôt produire à grande échelle avec un outillage adapté, pour ensuite échanger avec d’autres et effectuer avec eux des transactions. C’est-à-dire que si je voulais avoir l’assurance d’obtenir ne serait-ce que le minimum vital, et à plus forte raison si l’enjeu était d’obtenir un certain confort, le meilleur moyen pour y arriver était d’opter, non pas pour l’auto-suffisance, mais pour la division du travail et l’économie de marché. Et si ma première expérience n’avait pas fonctionné, ce n’était pas la faute du système économique tout entier, c’était simplement parce que je n’avais pas encore acquis la compétence et le savoir-faire spécialisé, nécessaire à mon insertion dans cette économie de marché qui ne m’a pas attendu. La meilleure option survivaliste, c’est donc l’économie de marché.

Suite au prochain épisode.

En mode vacances

3 août 2013

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Un camping-car pas cher pour l’été

9 juin 2013

J’ai enfin terminé l’aménagement de mon trafic, et en voici quelques photos et explications.

L’étape la plus importante dans la conception de cet aménagement a été la banquette arrière. En effet, il me fallait conserver au moins deux places assises et ceinturées à l’arrière pour mes enfants, mais les banquettes arrière d’origine, deux banquettes de trois places chacune et qui prennent toute la largeur du trafic, étaient très encombrantes dans un éventuel aménagement. Il m’a fallu beaucoup de réflexions avant de trouver l’idée géniale (idée géniale obtenue grâce à ma fabuleuse intelligence 😉 ) qui allait ensuite me permettre de réaliser tout le reste.

La première étape, donc, sans doute la plus cruciale, en tous cas celle qui m’a permis d’obtenir enfin la possibilité d’un aménagement ergonomique, fût celle de la banquette deux places placée dos à la route. Il s’agit de l’ancienne banquette deux places originellement placée à l’avant, et que j’ai retournée et placée à l’arrière du camion. Je sais, ce n’est pas très réglementaire, normalement il faudrait que je fasse passer mon camion aux mines, mais je suis absolument certain de la sécurité de mon système, et à vrai dire il est même d’avantage sécurisé comme ça que comme c’était le cas des banquettes d’origine qui étaient placées à l’arrière : la banquette est fixée au sol (en utilisant différemment les fixations originelles des banquettes, d’où la plaque en bois sous la banquette : la banquette est fixée à la plaque, et la plaque est fixée au sol, le tout reste démontable très facilement et rapidement), et les ceintures sont fixées au sol également, à la carrosserie, aux emplacements des ceintures de la banquette avant. Et de plus la dangerosité est surtout valable au freinage, donc le fait que mes enfants soient dos à la route leur rend les coups de freins moins dérangeants. D’ailleurs, le tout est passé sans souci au contrôle technique.

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Remarquez aussi que j’ai de la chance que mes enfants ne soient jamais malades en voiture, personnellement je serais bien incapable de passer la moindre minute complète en voiture en regardant vers l’arrière.

Cette banquette deux places est également d’autant plus pratique que son dossier peut être abaissé, ce qui permet ensuite éventuellement de faciliter le passage entre l’arrière du camion et la cabine.

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La deuxième étape fût la découpe des plaques de contre-plaqué placées au sol (il a fallu notamment les découper au niveau des anciennes fixations des banquettes au sol.

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La troisième étape fût l’isolation du toit. Je n’ai isolé que le toit, d’abord parce que c’est le plus important étant donné que la chaleur monte et que le froid descend (on isole donc toujours prioritairement le toit, puis les murs, et en dernier le sol), et ensuite parce que l’isolation n’est pas tellement destinée à isoler du froid pour l’hiver, mais d’avantage destinée à isoler du chaud pour l’été, en stoppant le rayonnement solaire lorsque celui-ci frappe la carrosserie. Un isolant dense est donc pour cela préférable, et ça tombe bien puisque j’ai récupéré gratuitement des panneaux de laine de bois. Les panneaux sont de deux types, des panneaux de 22mm d’épaisseur, et des panneaux de 38mm d’épaisseur.

J’ai commencé par placer au plafond une couche de pare vapeur aluminé (lui aussi de récupération), avec le côté aluminé placé vers la carrosserie, donc vers le haut, de manière à-ce qu’il réfléchisse les rayonnements vers l’extérieur.

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Ensuite j’ai placé les panneaux de 22mm d’épaisseur entre les armatures de la carrosserie, et ça tombait bien puisqu’ils faisaient la même épaisseur que ces armatures ;

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puis j’ai placé les panneaux de 38mm d’épaisseur par-dessus, à contre sens.

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Et enfin j’ai fixé les panneaux de 38 au plafond par des vis et rondelles vissées dans les armatures de la carrosserie, ce qui permet de maintenir l’ensemble. J’obtiens donc au final une isolation de 60mm d’épaisseur.

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J’ai ensuite scotché le pare vapeur à la carrosserie tout autour, puis j’ai placé une deuxième couche de pare vapeur sous l’ensemble (à nouveau côté aluminé vers le haut, surtout pour le confort des yeux), en n’oubliant pas auparavant de faire passer dans ce plafond quelques câblages électriques destinés à l’éclairage et/ou aux baffles. Cette deuxième couche de pare vapeur est vissée dans l’isolant, avec des vis et rondelles, et scotchée à nouveau tout autour par-dessus le scotch de la première couche de pare vapeur, de manière à étancher le tout.

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Comme l’avant de l’isolant ne pouvait pas être vissé dans une armature, il baillait légèrement ; j’ai donc découpé une planche que j’ai fixée aux côtés de la carrosserie, et qui soutient l’avant de l’isolant (elle me servira également pour soutenir les futurs rideaux).

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Pour l’aménagement proprement dit, j’ai utilisé les pas de vis anciennement destinés à fixer les ceintures des banquettes arrière dans les murs de la carrosserie, pour y fixer mes différents modules. Un premier module placé à bâbord constitue mon lit et à la fois la banquette, il y est fixé avec simplement deux boulons de ceintures (mais en fait un seul suffit).

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Les rangements disponibles sous cette banquette sont également très pratiques, et ont été conçus en fonction de la taille de ces caisses en plastique dont je disposais.

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A l’arrière, le lit de ma fille repose simplement sur les rebords des côtés de la carrosserie, sans fixations, et sur une équerre placée à l’extrémité de mon lit, en venant s’y coincer grâce à deux vis dont les têtes ont été sciées.

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Une plaque de contre-plaqué vient fermer le coffre, sous le lit de ma fille.

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Le lit de mon fils est au dessus de celui de ma fille, il repose sur deux armatures (fixées de manière permanente, elles aussi grâce aux boulons de ceintures), et s’y coince sans fixations.

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Armature tribord

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La « cuisine », quand à elle, a été plus longue à concevoir : elle est fixée au côté tribord de la carrosserie avec un seul boulon de ceinture. Elle dispose d’une table rétractable, d’un « robinet » (un BIB de 10 litres, que je rentre par le haut ; ce coffre du haut peut alors servir aussi de frigo car avec l’inertie des 10 litres d’eau il reste relativement frais), d’un réchaud, et de rangements accessibles par le dessous (sous la table), ou par le dessus).

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Sous mon lit, derrière le siège conducteur, j’ai placé au sol une deuxième batterie, reliée par du gros câble électrique à la batterie moteur, de manière à disposer de d’avantage d’autonomie électrique.

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Les lumières de l’habitacle, et l’autoradio, sont reliés à cette deuxième batterie, via une prise, que je peux également brancher à un transformateur 230V/12V, de manière à pouvoir me brancher au choix sur les batteries ou sur le secteur extérieur via un enrouleur. Ce transformateur est simplement celui d’un écran d’ordinateur hors d’usage, qui se trouvait être un transformateur en 12V et 3A, dont j’ai simplement modifié la prise sortie.

Pour les lumières, j’ai fait un bricolage avec des petits interrupteurs, des dominos qui servent de contacteurs, un clou et quelques vis (6 par lampe) pour fixer l’ensemble via une petite plaque de contre-plaqué. Une chute de pare vapeur aluminé, placée derrière l’ampoule, sert de réflecteur pour en augmenter la luminosité. J’ai ainsi placé 3 de ces lumières dans l’habitacle, une au dessus de mon lit, une au dessus de la cuisine, qui éclaire également le lit de mon fils, et une autre au dessus du lit de ma fille. Chacun dispose ainsi de son éclairage individuel pour pouvoir lire le soir avant de dormir.

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Une ultime amélioration me permet d’augmenter la taille de mon lit, avec des plaques de contre plaqué placées verticalement devant la banquette, et sur lesquelles viennent reposer une grande plaque de bois ainsi qu’une petite planche de rebord. Cette plaque repose également sur une équerre fixée au lit de ma fille, dans lequel elle se coince grâce à des vis dont les têtes ont été sciées, ce qui maintient la plaque d’avant en arrière. Le matelas qui sert de dossier à la banquette vient ainsi augmenter la taille du lit, pour le faire passer de 60cm à 100cm, ce qui permet d’y dormir à deux tout à fait confortablement. Cette extension est bien entendu destinée à n’être installée que pour la nuit, et à être démontée au matin.

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Enfin, la dernière étape sont les rideaux, découpés dans de jolis tissus que j’ai ramenés du Ghana, et que ma frangine, couturière indépendante à Aurignac (31), va prochainement me confectionner.

L’ensemble de cet aménagement est rapidement et facilement démontable (2 boulons de ceintures à démonter). Il me suffit de 20 minutes pour sortir les modules, 10 minutes de plus si j’ai également besoin de sortir la banquette deux places (et deux boulons supplémentaires), bien qu’en général elle ne dérange pas. Pour tout remonter c’est légèrement plus long, mais ça ne demande pas plus d’une demi-heure ; je peux ainsi très facilement utiliser mon camion autant en véhicule utilitaire qu’en camping-car. Le tout m’a coûté moins de 500 euros et beaucoup de récup’, ainsi que quelques petites semaines de bricolage (et beaucoup de réflexion).

Me voilà enfin prêt pour l’été, avec de bonnes vacances en perspective !

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Seulement deux buttes

9 juin 2013

Cette saison, je serai seul à la maison. Mon ex-femme est revenue s’installer dans le coin, et comme j’ai passé un an et demi seul avec mes enfants, c’est désormais à son tour de les avoir chez elle. Je suis donc seul chez moi depuis deux mois (je n’ai mes enfants avec moi qu’un week-end sur deux et la moitié des vacances).

Pour cette saison, je n’ai donc préparé que deux buttes, laissant les 13 autres en friches. J’y ai planté et semé des tomates, des haricots et des pois gourmands, des oignons jaunes, des pommes de terre, des courgettes, des laitues, du basilic et de la coriandre ; et j’ai également semé en pleine terre, tardivement et à tout hasard, des piments et des melons.

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La configuration complexe de ces deux buttes m’a permis d’implanter tout ça avec le maximum de diversité dans la disposition. Les piments et melons sont sur les versants SUD, tout comme les oignons. Les tomates sont sur les versants OUEST. Les pommes de terre sont sur les versants NORD. Et les versants EST accueillent les pois et haricots, ainsi que les laitues, le basilic et la coriandre.

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J’y ai installé un arrosage au goûte à goûte, puis j’ai paillé ce qui pouvait être paillé, notamment les pommes de terre (avec de la folle avoine et de la consoude fraîchement broyées). Si vous devez installer ce genre d’arrosage au goûte à goûte, je vous conseille de le brancher auparavant, ainsi il est plus lourd puisque plein d’eau, donc il est plus facile de le mettre en place ; d’autant plus qu’avec la chaleur le tuyau se dilate et gondole s’il est vide, et pas s’il est plein. Et puis cette méthode permet aussi de vérifier si le système ne fuit pas ou n’est pas détérioré, après avoir passé l’hiver dans le grenier ou le garage.

Le goûte à goûte est donc mis en place, fixé à la butte par mes crochets en bambous, puis paillé afin de rester à l’ombre, et le tour est joué.

Petit traité de jardinage en buttes

25 novembre 2012

Cela fait quelques années que je me suis attaqué progressivement à mettre en buttes mon potager, et depuis déjà plus d’un an, la totalité de celui-ci est mis en buttes. Et je ne m’aperçois que maintenant que je n’ai jamais pris le temps de rédiger un article sur les avantages d’une butte comparé à un potager à plat. Il était grand temps que ce soit chose faite. Car les avantages d’une butte sont nombreux, et s’il y a bien une chose que je ne regrette pas, c’est d’avoir expérimenté cela, d’avoir pris le temps de butter progressivement à la main tout mon jardin. C’est donc quelque chose que je vous conseille largement, et voici les nombreuses raisons qui justifient ce conseil.

Avantages géométriques :

Tout d’abord, les buttes ont un avantage très simple et qui n’est pas négligeable, c’est leur côté esthétique. Lorsqu’on cultive au sol, on obtient une surface plane, un plancher, une structure unique, et de plus, pour des raisons de simplification du travail, cette surface plane se retrouve bien souvent organisée en lignes, en rangs bien ordonnés, ce qui contribue à en rigidifier encore plus la géométrie. En formant des buttes, on fait onduler cette structure, pour y créer des vagues : on ajoute de la houle à notre plancher.

Il y a ensuite un côté pratique évident, puisque la butte rend la terre moins basse. La butte est formée sur une largeur qui est fonction de la taille du jardinier, et qui permet à celui-ci, en étant accroupi dans l’allée, de pouvoir atteindre le sommet de la butte en tendant les bras. On peut également s’y tenir debout et se pencher en avant, l’écartement nécessaire est le même, et là aussi il y a moins besoin de se baisser que sur une surface plane. Certains surélèvent encore leurs buttes en entourant celles-ci de petits murets en planches, en billes de bois, voire en parpaings, briques, ou dalles (disposés généralement sans être cimentés). Cela rajoute encore du travail au départ, lors de la mise en butte (et parfois un coût pour obtenir les matériaux), mais permet en outre de pouvoir poser un pied sur le muret pour favoriser l’équilibre et pour soulager le dos lorsqu’on doit se pencher en avant, voire même de pouvoir s’asseoir sur le muret (ou bien sur une planche déposée entre les deux murets, à cheval sur l’allée), facilitant ainsi d’avantage le travail du sol. Dans nos sociétés occidentales la position accroupie n’est pas une position très usitée, et la position assise ou debout lui sont préférées, contrairement à d’autres sociétés comme la société indienne, par exemple ; mais pour ma part j’aime beaucoup m’y adonner car je trouve que c’est une position très saine, en complément de la nudité des pieds sur le sol du potager ; la butte sans murets suffit donc dans ce cas.

La butte permet également un gain de place, par une meilleure utilisation de l’espace. Lorsqu’on cultive au sol, en général on crée de nombreuses petites allées, ou bien on écarte les rangs, de manière à pouvoir glisser ses pieds entre les rangs, en général en chevauchant les lignes de cultures. Même en rationalisant au mieux cet espace (et en ayant de grandes jambes), on ne peut pas faire mieux qu’en laissant une allée d’une vingtaine de centimètres pour 80cm de cultures rapprochées, et en organisant le potager en une succession de planches de cultures de 80cm de large. Soit une perte de 20% de la surface. Et en plus on piétine de l’humus potentiel.

En buttant ces planches, en revanche, on augmente la surface du sol, puisqu’on y crée une ondulation sinusoïdale. Ainsi, dans le cas des dernières buttes que j’ai créées, où j’ai creusé sur une profondeur de 25cm pour des buttes d’une période de 150cm, j’ai obtenu une surface au sol de 190cm, ce qui me permet d’utiliser des allées larges d’une quarantaine de centimètres (et donc des buttes de 110 cm de largeur au sol), avec l’équivalent d’une perte de surface de 0% par rapport à la surface plane. En buttant, on économise donc la surface des allées. Ce qui n’est pas inintéressant lorsqu’on doit cultiver des petites surfaces.

Fig.1

Calculs théoriques d’économie de surface :

R = (4f²+c²)/8f

R = (4*25²+75²)/8*25

R = 40,625cm

Corde = 2R.sin(A/2)

Corde / 2R = sin(A/2)

Asn (corde/2R) = A/2

A = 2*Asn (corde/2R)

A = 2*Asn (75/2*40,625)

A = 134,76°

Arc = A*Pi*R/180

Arc = 134,76*3,14*40,625/180

Arc = 95,55cm

Allée + 2*corde = 2*Arc (perte de 0% de surface)

Allée = 2*Arc – 2*corde

Allée = 191.1 – 150

Allée = 41,1cm

Avantages physico-chimiques :

Avec une butte, on piétine toujours au même endroit, dans l’allée, et donc on économise de l’humus, puisque la démarche de créer une butte revient en fait à retirer l’humus des allées pour le mettre sur la planche et constituer ainsi la butte. Ainsi, on évite le tassement de la terre, en marquant la séparation entre les zones pour se déplacer et les zones réservées aux cultures, qu’on ne piétine alors plus jamais. Cette démarche permet donc d’obtenir l’avantage primordial des buttes qui est une augmentation artificielle de la couche d’humus (ou des l’horizons A et B). C’est ce que les tenants de la biointensive appellent le « double bêchage », puisque la profondeur de ces horizons est ainsi doublée (du moins au centre de la butte). Les plantes pourront ainsi profiter d’un sol à la fois plus profond et plus riche, puisque c’est majoritairement dans l’horizon A et B qu’elles trouvent leurs besoins en azote ou en potasse, et dans l’horizon C qu’elles trouvent leurs plus rares besoins en oligo-éléments (fig. 2).

Fig.2

C’est également l’horizon A, humifère, qui constitue la réserve d’eau du sol, et donc par ce double bêchage on augmente également la capacité du sol à stocker l’eau assimilable par les plantes. Donc, la butte augmente le potentiel hydrique du sol (plus exactement son potentiel matriciel). En même temps, la forme et la structure de la butte la rend mieux drainée ; elle constitue donc un avantage autant en sol humide (en y apportant un meilleur drainage), qu’en sol sec (en augmentant son potentiel matriciel). La pente permet en outre de pouvoir pailler ou meulcher sans risquer d’asphyxier le sol ou de le rendre hydromorphe (ceci est notamment très bénéfique pour les liliacées, qui, placées dans les dévers, supportent alors parfaitement le paillage, retirant ainsi la nécessité de biner le sol).

Enfin pour l’arrosage, celui-ci se trouve simplifié, de par la forme de la butte, notamment si on utilise un arrosage automatique au goutte-à-goutte ou par capillarité, puisqu’il suffit d’arroser au sommet, et de laisser l’eau ruisseler sur la butte ou s’y infiltrer.

Une fois la butte constituée, le travail du sol consiste en un travail superficiel, et ainsi la qualité du sol est au mieux préservée. Ses qualités et ses avantages physico-chimiques ne nécessitent nullement le recours au labour ou au bêchage. La mise en place n’a lieu qu’une seule fois, ensuite la butte est simplement entretenue dans sa forme et sa structure. Le travail initial de mise en butte constitue par contre l’équivalent d’un double bêchage, avec l’enfouissement au cœur de la butte de la couverture végétale initiale et des racines, ce qui permet en outre sa décomposition, et donc un apport initial d’humus (fig. 3). Ensuite il faudra entre un et trois ans pour que la structure interne de la butte évolue d’elle-même vers sa structure finale, qui est en fait une sorte de transcendance du sol naturel.

Fig.3

Diversité :

Bien évidemment, la profondeur des horizons A et B n’est pas augmentée partout, elle n’est augmentée qu’au centre de la butte ; et elle est même diminuée sur les bords de la butte, au pied des allées, puisque normalement la profondeur creusée dans les allées correspond plus ou moins à la surface de l’horizon C, lieu d’altération du substrat. Mais loin d’être un inconvénient, ceci est plutôt un avantage, puisque ainsi on obtient au final une plus grande diversité des structures, d’horizons A et B nuls (allées), à des horizons A et B artificiellement riches et profonds, souvent même recouverts d’une litière, d’un horizon O (matière fraîche et/ou sèche en cours d’humification en surface) au sommet de la butte. Cette diversité des structures va pouvoir favoriser la diversité biologique des cultures, chaque plante nécessitant des conditions pédologiques différentes.

A noter que ceci constitue d’ailleurs un autre argument au fait de ne pas entourer les buttes de murets, lesquels entraînent l’obtention de buttes avec des horizons A et B plus ou moins profonds mais toujours présents ; mais cela dépend aussi du type de sol, car un sol sableux aura plus de mal à conserver sa forme en buttes si celles-ci ne sont pas retenues par des murets ; chez moi le sol très argileux permet de former de belles buttes très stables. (Les buttes à murets ne permettent pas non plus d’augmenter la surface au sol autant que les buttes sans murets.)

Enfin l’arrosage automatique au sommet de la butte permet d’obtenir une diversité hydrique du profil de la butte, qui s’accorde avec la diversité des structures ; le sommet, humifère, est bien arrosé, et les pentes et dévers sont de moins en moins humides.

Sur la tranche de la butte, d’une allée à l’autre en passant par le sommet, la diversité s’exprime donc non seulement au niveau de la structure du sol, de son drainage et de son profil hydrique, mais également au niveau de la lumière reçue par les plantes, du fait de la pente plus ou moins importante. La diversité biologique peut donc s’exprimer au mieux, avec une grande complémentarité entre les espèces cultivées, tant au dessus du sol qu’à l’intérieur de celui-ci.

Fig.2

En effet, lorsqu’on entretient la butte, on désherbe partout (y compris l’allée) en sarclant, et on remonte ensuite à l’aide d’une pelle les matières broyées et la terre qui par l’action du sarcloir sont descendues le long de la butte, pour les remettre au sommet (fig. 2). Le sommet se trouve donc très souvent couvert d’une couche de meulch, mélange d’adventices broyées, de matières sèches et de terre (auquel si besoin on ajoute des matières importées) ; en dessous se trouve une couche d’humus demi mûr, qui commence à se décomposer (l’horizon A) ; puis cet humus devient de plus en plus mûr et de plus en plus minéralisé à mesure qu’on s’enfonce (horizon B), jusqu’à l’horizon C, lieu d’altération du substrat (il est important de noter au passage que cette méthode d’entretient évite en outre d’exporter la matière du sol, de la composter, puis de la réimporter ensuite ; cela économise du travail, permet de garder le sol couvert, et favorise la microbiologie du sol, en attirant les insectes et les vers qui vont transformer sur place la matière organique, tout en améliorant la structure du sol, et ceci sans le processus de la fermentation du compostage, et donc avec une méthode bien plus similaire à celle qui se produit dans les sols naturels).

Fig.4 : sommet, pentes et dévers

Ainsi, au sommet sont implantées les variétés qui ont à la fois besoin de dominer les autres pour bénéficier du maximum de lumière, et/ou les plantes à tuteurer ; ces plantes sont en général également celles qui nécessitent un sol profond, riche, et une grande disponibilité hydrique, et qui apprécient un meulch important.

Sur les pentes, on alterne en général les plantes couvre sol avec les plantes racines ; les plantes couvre sol ont souvent besoin de beaucoup d’humus demi mûr, et c’est là que se trouve celui-ci ; et elles ont en outre besoin du maximum de place à couvrir. Les plantes racines, quand à elles, ont besoin d’un sol meuble et profond, afin de pouvoir former une racine qui ne soit pas biscornue ; toutefois elles ont également besoin d’aller chercher des éléments qui se trouvent dans l’horizon C (les oligo-éléments) avec leurs racines verticales, donc celui-ci ne doit pas se trouver trop profondément non plus.

Dans les dévers, l’horizon humifère est très mince voire inexistant, mais certaines plantes apprécient un tel type de sol, plus sec et plus compact, qu’elles aiment briser de leurs racines pivots (laitues, chicorées, pissenlits, poirées, …), ou à la surface duquel elles font trôner leurs bulbes, bien accrochées qu’elles sont sur une terre bien compacte (liliacées). La disposition des liliacées sur les dévers, donc en pourtour des buttes, permet en outre de protéger la butte des maladies et ravageurs qu’elles contribuent pour beaucoup à repousser.

Fig.5

On obtient ainsi une répartition étagée (fig.5), pyramidale, assez similaire à celle préconisée par les promoteurs des jardins-forêt. On trouve ici la succession étagée des quatre étages de plantes annuelles : les plantes herbacées, grimpantes, couvre sol, et racines et bulbes. La répartition étagée et pyramidale est bien sûr tout à fait similaire et symétrique au niveau des racines, qui sont parfaitement réparties sur l’ensemble de l’intérieur de la butte.

Photo 1 : Exemple de répartitions étagées d’hiver

Environnement :

Un dernier avantage, moins important mais toutefois non négligeable, est l’effet de micro climat sur le vent. En effet, les buttes, de par leur forme et la répartition étagée et pyramidale des plantes qui y sont cultivées, produit un léger effet brise vent. Bien entendu il n’y a rien de comparable avec l’effet brise vent d’une haie ou d’une répartition étagée de jardin-forêt, mais tout de même, et surtout avec un alignement nord/sud des buttes, dans nos régions à dominance de vents d’ouest, il peut être envisagé d’implanter dans les buttes centrales du potager les légumes les plus sensibles au froid ou à la verse. Réjean Roy préconise ainsi d’entourer le potager de buttes (des buttes contour) pour y cultiver des plantes vivaces, des plantes envahissantes (topinambour, menthe), mellifères, volumineuses (rhubarbe) et arbustives (groseilles, caragana). Ces buttes contour ont un effet protecteur, elles protègent des animaux et plantes indésirables, et devraient notamment être envisagées si le potager est implanté dans un lieu venté.

Particularités des buttes est/ouest :

La plupart des jardiniers alignent leurs buttes en orientation nord/sud, mais ce n’est toutefois pas le cas de tous. Certains choisissent plutôt un alignement est/ouest, comme c’est le cas de Réjean Roy. Les avantages des buttes est/ouest viennent notamment du fait de la diversification encore plus importante des cultures et des profils physico-chimiques de ces buttes :

– La différence de rayonnement reçu entre les deux faces permet une plus grande diversité des cultures sur une même butte, puisque certaines plantes vont pouvoir profiter de la fraîcheur et de l’ombrage de la face nord, alors que d’autres vont lui préférer les pentes très exposées aux rayonnements de la face sud (qui sont d’ailleurs nettement mieux exposées aux rayonnements que les deux faces de buttes alignées nord/sud, notamment en hiver ; sur les buttes nord/sud, c’est surtout le sommet qui y est exposé). Ainsi les oignons, ails, échalotes vont adorer les dévers sud durant tout l’été, alors que les poireaux vont profiter pendant tout l’été de semis en dévers nord avant d’être repiqués en dévers sud à l’automne. Idem pour les semis de choux en pente nord, qui seront repiqués au sommet à l’automne. De même, les carottes et les petits pois vont apprécier les sols frais des pentes nord, alors que les melons ou les tomates vont préférer les pentes sud : les pommes de terre les pentes nord, et les patates douces les pentes sud ; etc. Quand à la plupart des plantes qui seront implantées au sommet, le fait qu’elles soient sur une butte nord/sud ou est/ouest leur conviendra tout autant.

– Le soleil éclairant d’avantage la face sud de la butte que la face nord, il y a non seulement des différences physico-chimiques entre les deux faces (la face nord reste plus fraîche et humide, et la face sud plus chaude et sèche), mais il y a aussi un phénomène bénéfique d’échange thermique et hydrique entre les deux faces, à l’intérieur de la butte, par capillarité, et/ou par transmission thermique. Il y a donc dans les buttes est/ouest une meilleure régulation thermique et hydrique à l’intérieur de la butte que lorsque les deux faces sont soumises à un rayonnement solaire équivalent comme c’est le cas pour les buttes nord/sud : en période chaude et/ou sèche la butte chauffe et/ou sèche moins vite, et inversement en période fraîche et/ou humide.

Fig.6

Un autre avantage des buttes est/ouest tient de la variation de la surface cultivable entre l’été et l’hiver. En effet, sur la figure 6, on voit nettement que, l’été, l’ensemble de la butte reçoit plus ou moins les rayonnements solaires, mais que par contre, à partir des équinoxes, le dévers nord, puis également la pente nord, se retrouvent entièrement à l’ombre. Ceci pourrait à priori constituer un inconvénient mais en réalité, cela correspond tout à fait à la moins grande quantité de plantes qui sont cultivées l’hiver par rapport à l’été. En général, en jardinage bio, on compense cela par des cultures d’engrais vert, mais la culture en buttes est/ouest permet tout simplement de ne pas travailler les 2/5° de la surface du potager, ce qui fait moins de travail et permet tout autant à cette partie du sol de se reposer. La surface cultivée est en outre bien mieux orientée, pour recevoir les rayonnements, qu’une surface plane ou qu’une butte nord/sud, et donc la partie qui est cultivée reçoit au mieux ces faibles et vitaux rayonnements hivernaux, favorisant notamment la précocité des plantes. De plus, certaines plantes qui ont grandi tout l’été au frais se satisfont ensuite de rester à l’ombre tout l’automne en attendant d’être ramassées, comme c’est le cas pour les navets ou les radis noirs, par exemple. Ces plantes peuvent être gardées en terre, d’autant plus que ce qui les abime par dessus tout, ce n’est pas tant le gel, que l’alternance gel/dégel, alternance qui est ainsi amoindrie par l’exposition à l’ombre au profit d’un gel permanent, gel permanent qui conserve alors plus facilement ces aliments.

 

Quel choix de buttes ?

Au final, le choix entre des buttes est/ouest ou des buttes nord/sud doit se faire en fonction de critères locaux. Si le potager est soumis à des vents d’ouest, il vaut mieux préférer des alignements nord/sud. Et inversement si les vents dominants sont des vents du nord (mistral, par exemple). Ou alors il faut penser à créer une butte contour qui face office de brise-vent, avant de répartir les autres buttes comme on l’entend derrière celle-ci.

L’alignement des buttes peut également se décider en fonction de la pente du terrain ; car il est préférable que les buttes soient perpendiculaires à la pente, surtout si la pente est forte, de manière à limiter au maximum l’érosion. Les buttes peuvent aussi, surtout en région sèche, servir en même temps de baissières, les extrémités des buttes rejoignant alors la pente de manière à former une cuvette, pour pouvoir le plus possible capter l’eau de ruissellement vers l’allée située en amont, qui sera ainsi stockée avant de pouvoir s’infiltrer tranquillement à l’intérieur de la butte.

On pourrait également concevoir des buttes pas forcément rectilignes, plutôt courbes, ce qui permettrait d’augmenter les effets de micro climats (fig. 7). Ainsi par exemple, une butte en arc de cercle ouvert vers le sud verrait le centre de sa face sud mieux protégée des vents que tout le reste, alors que le centre de la face nord y serait d’avantage exposé que tout le reste (à moins de briser cette accélération du vent, en plantant par exemple un arbre fruitier au centre de l’arc que forme chaque butte) ; et on pourrait ainsi en profiter pour faire encore varier la diversité des cultures d’un bout à l’autre de la même butte, les plantes les plus délicates étant cultivées au centre sud des butte, dans les zones les plus abritées.

Fig.7

Buttes au tracteur

26 septembre 2012

Voici un article qui a pas mal de retard, puisque j’aurais dû l’écrire à l’été 2011. Mais je pense qu’il est suffisamment intéressant pour nécessiter tout de même une publication tardive, y compris en cette période de début d’automne, puisqu’il s’agit de mise en place de buttes, et bien qu’elles aient été réalisées à la fin du printemps, juste avant la mise en place des plants pour l’été, les buttes peuvent tout à fait être réalisées en ce moment, de manière à y accueillir les semis de la toussaint. Une mise en place à cette période permet en outre de favoriser la décomposition de la végétation qui aura été enfouie au milieu de la butte.

J’étais en effet allé donner un coup de main à un ami qui voulait ouvrir son potager. Je me suis rendu chez lui, accompagné de Bobzdar, qui était venu faire quelques jours de wwoofing à la maison. Et nous en avons profité pour réaliser une butte de 13m de long. Cet ami chez qui nous étions, Luc, disposait d’un petit tracteur familial, armé d’un rotovator (un outil rotatif qui permet de malaxer le sol sur une dizaine de centimètres de profondeur), et nous avons donc réfléchi à la manière la plus efficace de l’utiliser pour réaliser notre butte. Voilà donc comment nous avons procédé :

Nous avons tout d’abord réfléchi à la meilleure manière de creuser le sol : le tracteur disposait également d’un petit soc, et nous aurions pu tout simplement labourer le sol, pour enfouir la végétation, puis monter les buttes à la main avec de la terre nue. Cette méthode est sans doute celle qui demande le moins de travail, et c’est aussi la plus rapide, mais elle présente tout de même l’inconvénient de débarrasser la butte de tout humus. Nous avons donc préféré utiliser le rotovator qui, en ne travaillant qu’en surface, nécessite plusieurs passages du tracteur, mais qui permet par contre de travailler en douceur, horizon par horizon.

Nous n’avons pas désherbé ; l’herbe était rase, et il nous était inutile de la faucher ni de la broyer auparavant. Cependant s’il y avait eu d’avantage de végétation, il aurait été préférable de commencer par la broyer sur place. Nous avons effectué quatre premiers passages au rotovator, afin de débarrasser de la végétation et de ses racines (horizon A) une surface d’environ 3 mètres de large en malaxant le tout (figure 1).

Figure 1

Puis, à la main, nous avons déplacé sur l’une des deux moitiés ce mélange obtenu, de terre, de racines et d’herbe broyée, destiné à constituer l’humus de la première butte. Nous avons commencé par travailler la partie la plus en aval du jardin, de manière à d’avantage avoir à descendre la terre à la main plutôt que de d’avoir à la remonter. Nous avons donc placé l’ensemble de la terre constituant l’horizon A au milieu de la partie la plus en aval, en y montant à la main une petite butte de moins d’un mètre de large, destinée à constituer le cœur, humifère, de la première butte (figure 2).

Figure 2

Puis nous avons ameubli l’horizon B de la deuxième bande, en amont, avec encore deux passages du rotovator (figure 2), et nous avons utilisé cet horizon pour couvrir à la main le cœur humifère de la butte et terminer celle-ci en la couvrant de terre nue, sans herbes ni racines (figure 3).

Figure 3

Et voilà la première butte de constituée, une butte de 13m de long, en une demi-journée de travail à trois :

De gauche à droite : Bobzdar, Luc et moi.

Quelques jours plus tard, ce fut au tour de Thierry (le frère de Luc) et de ses amis de monter la deuxième butte, selon le même procédé (figure 3) :

Puis vient un léger paillage pour protéger la butte, et enfin viennent les plants et semis :

Au printemps 2012, Luc et Thierry ont rajouté encore deux longueurs équivalentes de buttes. Toutefois, 13m constituait une longueur de butte trop importante, et ils ont préféré répartir cette longueur en deux buttes de 6m chacune. Ils ont donc désormais un potager constitué de 8 buttes de 6m chacune.

Pommes de terre : un équipement pour l’arrosage

1 avril 2012

Comme prévu, j’ai tout de même planté quelques pommes de terre cette année. Uniquement quatre petites centaines de plants, de quatre variétés différentes. Après avoir testé les pommes en terre, puis en tour ainsi que sous paille, ma décision est de continuer à les cultiver sous paille. Mais comme par chez moi il fait souvent assez sec (l’année dernière l’a été particulièrement, et malgré quelques maigres arrosages épars, je n’ai récolté guère plus que ce que j’ai planté), et qu’en plus la paille a un effet « toit de chaume » qui empêche la pluie de pénétrer dans la butte et qui la fait ruisseler à l’extérieur de celle-ci, j’ai cette fois installé un arrosage au goutte-à-goutte sous la paille. En voici les étapes en image :

Sarclage des trois buttes destinées à recevoir les pommes de terre (elles étaient auparavant dans le même état que les deux buttes qui entourent ces trois-là, l’une à gauche et l’autre à droite) : une matinée de travail. Pas de désherbage, j’ai seulement brisé les racines des plantes à la houe, juste sous la surface, en restant bien dans l’horizon A du sol. J’ai ensuite laissé les plantes ainsi sarclées en surface pendant trois jours au soleil, afin qu’elles se dessèchent :

Installation des tuyaux, percés tous les 33cms, et fixation au sol de ces tuyaux à l’aide de petites crochets taillés en bambou, à raison d’une dizaine ou d’une douzaine de ces petits crochets pour 20m de tuyau (un aller-retour sur chaque butte) :

Disposition de quatre rangs de pommes de terre sur chaque butte (donc, deux rangs par versant), simplement posées à même le sol, avec deux pomme de terre pour chaque trou goutteur, une au dessus et une en dessous, en quinconces, puis le tout a été recouvert d’une bonne quinzaine de centimètres de paille :

L’arrosage automatique me permettra également de comparer de manière efficace les quatre variétés de pommes de terre cultivées, en terme de résistance aux maladies et de productivité, l’orientation et l’arrosage étant parfaitement similaires.

A noter également que mes buttes sont toujours alignées Nord/Sud, mais que la prochaine fois que j’aurai à faire des buttes, je les alignerai Est/Ouest, et que je ne planterai les pommes de terre qu’en versant Nord, afin qu’elles bénéficient de d’avantage de fraîcheur et d’humidité. Mais ça, ce sera pour un prochain jardin, donc pas pour tout de suite.

Pas de potager cette saison

18 mars 2012

… ou très peu. Je vais sans doute déménager cet été, et comme je ne sais pas encore exactement quand (ni pour aller où, à vrai dire), mieux vaut ne pas démarrer un immense potager pour finalement devoir l’abandonner en pleine période de production. Et puis, comme je congèle la majorité de mes récoltes, et qu’il est difficile de déménager un congélateur plein à craquer… J’ai donc décidé de ne cultiver que des denrées qui produiront de manière précoce, et qui seront faciles à conserver et à transporter.

Je suis donc en train de planter les pommes de terre. J’avais déjà planté, avant l’hiver, de l’ail, des échalotes et des oignons, et malheureusement mes petits pois et mes fèves ont crevé, par -14°C au début du mois de février. Mais je n’en ressèmerai pas, tant pis ; de toutes façons il me reste encore des fèves au congélateur qui datent de l’année dernière.

Au congélateur il me reste d’ailleurs bien d’autres denrées, notamment parce que  nous ne sommes plus que trois à la maison depuis septembre dernier, au lieu de quatre comme c’était prévu ; et puis parce que j’avais tout de même prévu assez large. Ainsi je n’ai consommé que le tiers des tomates congelées, malgré que je fasse souvent des pizzas, et donc je devrais en avoir suffisamment pendant encore toute la saison de printemps/été, peut-être même un peu plus. Je n’aurai besoin d’acheter des tomates que pour les salades.

Et puis je peux toujours planter tout de même deux ou trois pieds au cas où, pour en avoir des fraîches, mais rien de comparable avec la soixantaine de pieds plantés l’année passée. Peut-être que je planterai aussi quelques pieds de concombres, de courgettes, et aussi quelques pieds de mange-tout, mais tant pis pour les courges, les melons, les patates douces (qui ne se récoltent qu’aux premières gelées d’automnes), pour les aubergines, les poivrons ou les piments. Quatre buttes suffiront donc (dont trois pour les pommes de terre), au lieu de quinze l’année passée.

Au passage, c’est déjà presque la fin de la saison des salades de cardamine, dont je me suis une fois de plus régalé pendant deux mois en cette fin d’hiver. Qu’il est bon de désherber des plantes aussi délicieuses !

Par contre c’est la pleine saison des violettes, que je vous recommande telles qu’elles, ou bien mélangées à une boule de glace à la vanille pour constituer un excellent dessert.

Et sinon cet hiver j’ai eu une excellente production de navets, ainsi que de radis noirs (dont j’ai appris qu’ils étaient également très bons cuits, dans la soupe par exemple. Je commence seulement maintenant à récolter les brocolis et les romanescos, ainsi que la mâche et les poireaux. J’ai par contre raté les autres choux, sans doute semés trop tard, ainsi que les panais, semés dans une terre sans doute trop sèche.

Donc, il y aura peu de potager pour cette saison, mais rassurez-vous, j’ai tout de même quelques articles en réserve à publier, notamment en réflexion pour le prochain potager à créer. Par exemple, la prochaine fois je compte bien tester les buttes Est/ouest, au lieu de buttes Nord/sud comme je l’avais fait jusqu’à maintenant. Je vous expliquerai tout ça.